Arrêt de la Cour d’Appel de PAU du 6 février 2024

L’acquéreur qui a pu effectuer les photos d’un véhicule au moment de sa prise de possession mais n’a pas formulé par écrit des réserves et a accepté de prendre possession dudit véhicule dont la carrosserie était dégradée de manière très apparente est réputé avoir validé son achat en l’état.

Par conséquent, sa demande d’indemnisation fondée sur un défaut de conformité ne peut aboutir.

Telle est la réponse apportée par la Cour d’appel de Pau à une demande d’indemnisation fondée sur le défaut de conformité dans un arrêt en date du 6 février 2024.

Elle l’espèce, était soumis à la Cour d’appel un contentieux concernant la vente aux enchères en ligne d’un véhicule.

Réclamation faite par l’acquéreur plusieurs semaines après l’acquisition du véhicule, le vendeur a fait une proposition de remboursement de 1000 euros à titre commercial.

Une offre repoussée par la requérante pour la simple raison qu’elle avait évalué le coût des réparations de la carrosserie à plus de 5.000 euros.

Dans les prétentions de la requérante fondées sur le défaut de conformité, il est reproché au vendeur :

  • d’avoir caché l’état réel de la carrosserie rayée en au visuel amis parfaite sur les photos du site internet
  • d’avoir omis d’afficher dans l’annonce du site internet le procès-verbal de réception du gestionnaire du parc automobile qui faisait état de la détérioration du véhicule de manière importante
  • d’avoir détenu avant le mise en ligne et la vente du véhicule des informations faisant état de nombreuses anomalies en particulier au niveau de la carrosserie qui n’ont pas été communiquées à l’acquéreur
  • d’avoir dissimulé à travers les photographies des informations déterminantes pour le consentement de l’acquéreur
  • d’avoir remis à l’acquéreur pour signature au moment de la prise de possession du véhicule un document sans mention de réserves éventuelles
  • d’avoir été absent sur le lieu de remise du véhicule
  • d’avoir proposé une somme de 1000 euros de geste commercial alors que le coût de la mise en conformité est beaucoup plus onéreux

Dans les motifs de sa décision, la Cour rappelle qu’en vertu des conditions générales de vente aux enchères acceptées par l’acquéreur, ce type de contrat est exclu du champ du droit de rétractation prévu par le Code de la consommation et notamment les articles L. 217-1 et suivants relatifs à la garantie légale de conformité puisqu’il relève des dispositions de l’article L. 321-1 et suivants du Code de commerce sur les ventes aux enchères.

En effet aux termes de l’article L. 217-1 du Code de la consommation « Les dispositions du présent chapitre sont applicables aux contrats de vente de biens meubles corporels entre un vendeur professionnel, ou toute personne se présentant ou se comportant comme tel, et un acheteur agissant en qualité de consommateur.

Sont assimilés à des contrats de vente aux fins du présent chapitre, les contrats en vertu desquels le professionnel délivre un bien et en transfère la propriété à un consommateur et ce dernier procure tout autre avantage, au lieu ou en complément du paiement d’un prix (…) »

Quant à l’article L. 321-1 du Code de commerce, il prévoit que « Sous réserve des dispositions de l’article L. 322-8, les ventes volontaires de meubles aux enchères publiques peuvent porter sur des biens neufs ou sur des biens d’occasion. Ces biens sont vendus au détail, par lot ou en gros, c’est-à-dire par lots suffisamment importants pour ne pas être considérés comme tenus à la portée du consommateur. La vente en gros ne peut porter que sur des biens neufs issus du stock d’une entreprise. Lorsque des biens neufs sont mis en vente par le commerçant ou l’artisan qui les a produits, il en est fait mention dans les documents et publicités annonçant la vente.

Sont considérés comme d’occasion les biens qui, à un stade quelconque de la production ou de la distribution, sont entrés en la possession d’une personne pour son usage propre, par l’effet de tout acte à titre onéreux ou à titre gratuit, ou ont subi des altérations qui ne permettent pas leur mise en vente comme neufs.

Lorsque la vente porte sur un bien neuf, il en est fait mention dans la publicité prévue à l’article L. 321-11 ».

Pour rappel et afin de faire un lien rapide avec les termes de l’article L. 321-1 du code de commerce, le véhicule (voiture, moto camion…) est un bien meuble selon le code civil dont l’article 2276 (ancien article 2279) est libellé comme suit :

« En fait de meubles, la possession vaut titre.

Néanmoins, celui qui a perdu ou auquel il a été volé une chose peut la revendiquer pendant trois ans à compter du jour de la perte ou du vol, contre celui dans les mains duquel il la trouve ; sauf à celui-ci son recours contre celui duquel il la tient ».

Ainsi, en droit de la consommation, au terme de la garantie de conformité, le vendeur répond des défauts de conformité du bien vendu. Cette disposition, créatrice légale de conformité englobe à la fois la conformité au spécification contractuelles et la conformité à l’usage auquel la chose est destinée.

En ce qui concerne le domaine de cette garantie, les dispositions de l’article L. 217-1 du Code de la consommation sur l’obligation de conformité dans les contrats de vente de biens sont applicables aux contrats de vente.

C’est donc en toute logique que le vendeur réponde des défauts de conformité existant au moment de la délivrance du bien qui apparaissent dans le délai de deux (2) ans. Si le contentieux concerne la vente d’un bien comportant des éléments numériques c’est l’article L. 217-3 du Code de la consommation issu de L’ordonnance n° 2021-1247 du 29 septembre 2021 qui a étendu la garantie légale de conformité aux contenus numériques et services numériques attachés à la vente d’un bien qui s’applique.

Dans ce cas de figure, le point de départ de la prescription de l’action du consommateur est le jour de la connaissance par ce dernier du défaut de conformité.

En l’espèce, la Cour d’appel a écarté l’application de ces disposition qui auraient pu profiter à l’acquéreur du véhicule car en vertu des conditions générales de vente aux enchères acceptées par lui, ce type de contrat est exclu du champ du droit de rétractation prévu par le Code de la consommation dit-elle en substance.

Pour motiver sa décision, la Cour estime que les photos commerciales qui accompagnent chaque description permettent d’apprécier au mieux l’état général du véhicule même si leur qualité n’exclut pas que certains défauts mineurs ne soient pas suffisamment visibles sur les clichés.

Dans l’espèce, les photos prises par la requérante et le procès-verbal de réception dressé par le dépositaire du véhicule mentionnant tous les points d’impact ont suffi aux yeux de la Cour pour démontrer que les défauts constatés lors de la prise de possession du véhicule n’étaient que mineurs.

De plus, au moment de l’enlèvement du véhicule, l’acquéreur a effectué une reconnaissance visuelle avant la signature du bon de sortie sur lequel il peut mentionner les réserves en vue d’une réclamation dans les huit (8) jours.

Ainsi, selon la Cour, l’acquéreur qui a pu effectuer des photos du véhicule au moment de sa prise de possession sans formuler de réserves sur le bon de sortie et a accepté de prendre possession dudit véhicule dont la carrosserie était dégradée de manière très apparente a, par la même occasion, validé son acquisition du véhicule en l’état.

Par conséquent, sa demande d’indemnisation formulée au-delà du délai des 8 jours après la prise de possession du véhicule ne peut aboutir.